Design et conception de banc d'essai
La conception d’un banc d’essai dédié à l’étude du comportement au feu d’un système suit plusieurs étapes méthodologiques essentielles, allant de l’identification du scénario feu à la validation expérimentale du dispositif.
La définition du concept
La première étape consiste à définir l’idée générale du projet, ce qui passe par l’identification du scénario feu à reproduire et de l’objectif de l’étude. Deux situations peuvent alors se présenter :
- Dans le premier cas, il s’agit d’un scénario feu déjà établi, décrit dans la littérature ou normalisé. L’objectif est alors de reproduire ce scénario à une échelle adaptée au laboratoire, afin d’évaluer différents concepts ou systèmes. Cela permet de mieux comprendre les modes d’action des solutions testées et de les optimiser pour répondre aux critères de performance associés à la fonction feu visée (protection, isolation, inertie, etc.).
- Dans le second cas, le scénario n’est pas encore normalisé ou documenté. Il convient alors de mener une analyse approfondie du contexte réel (environnement, conditions thermiques, contraintes mécaniques, durée d’exposition…), afin d’identifier l’ensemble des paramètres caractéristiques de ce scénario. Celui-ci pourra ensuite être reproduit à l’échelle laboratoire avec les mêmes objectifs que précédemment : étudier des concepts, comprendre les interactions physiques et thermiques, et améliorer les systèmes pour satisfaire les exigences fonctionnelles en matière de comportement au feu.
Le scénario feu, dans le cadre des essais de réaction ou de résistance au feu, correspond à une modélisation représentative de l’évolution d’un incendie. Il repose sur un ensemble de paramètres physiques, thermiques et temporels, définis pour simuler, dans des conditions contrôlées ou normalisées, le comportement des matériaux ou des structures exposés au feu. Ce scénario est élaboré en fonction de l’objectif de l’essai, qu’il s’agisse d’évaluer la réaction au feu d’un matériau ou la résistance au feu d’un élément de construction. Ainsi, le scénario feu ne constitue pas une simple condition expérimentale, mais bien une construction cohérente et systémique : il intègre des données thermiques (température, flux de chaleur), des durées caractéristiques, les modalités de transfert de chaleur (radiatif, convectif, conductif ou mixte), des objectifs fonctionnels (évacuation, confinement, stabilité) ainsi que des critères d’évaluation spécifiques à la nature de l’essai. Il agit comme un trait d’union entre les phénomènes physiques d’un incendie réel et les performances attendues des matériaux ou structures soumis à ces conditions extrêmes.
Dans le cas des essais de réaction au feu, le scénario feu simule les premières phases d’un incendie, au cours desquelles les matériaux peuvent alimenter le feu et en favoriser la propagation. Il s’appuie sur des courbes de montée en température et sur l’application de flux de chaleur contrôlés, dont l’intensité peut varier entre 25 et 150 kW/m² selon les dispositifs. Ces flux sont transmis par rayonnement, convection ou, dans certains cas, conduction, bien que la plupart des situations combinent plusieurs de ces modes de transfert thermique. La durée d’exposition dépend des objectifs de l’essai : elle peut aller de quelques minutes à plusieurs dizaines de minutes, selon que l’on cherche à observer l’allumage, la propagation des flammes ou la quantité totale de chaleur dégagée. Ce type de scénario met en évidence des critères tels que la production de chaleur (pic et cumul), la vitesse de propagation de la flamme, ou encore la quantité de fumées et de gaz toxiques émis — des paramètres déterminants pour l’embrasement généralisé et les conditions d’évacuation.
Dans les essais de résistance au feu, le scénario feu vise à reproduire les conditions d’un incendie pleinement développé. Il repose sur l’application de courbes temps-température normalisées, telles que la courbe ISO 834, qui atteint environ 945 °C en une heure. Pour des environnements à risque élevé, comme les sites industriels, les plateformes offshore ou les infrastructures souterraines, d’autres courbes plus sévères sont utilisées, telles que la courbe hydrocarbure UL 1709 ou les essais jet fire, qui traduisent une montée en température plus brutale. Ces scénarios combinent des transferts thermiques intenses, à la fois radiatifs et convectifs, et peuvent intégrer des charges mécaniques pour simuler le comportement réel d’un élément porteur. L’exposition peut durer 30 minutes, 1 heure, 2 heures, voire jusqu’à 4 heures, en fonction des exigences normatives et du type de bâtiment.
La conception du scénario feu prend également en compte les contraintes propres aux matériaux de structure. Pour l’acier, par exemple, la température critique est généralement située autour de 500 °C, seuil au-delà duquel la perte de résistance mécanique compromet la stabilité de l’ouvrage. Le scénario permet alors d’évaluer le temps nécessaire pour atteindre cette température, ce qui détermine le temps d’évacuation disponible pour les occupants et le délai d’intervention pour les secours. Ces aspects sont particulièrement cruciaux dans les établissements recevant du public (ERP), les bâtiments de grande hauteur, les plateformes offshore ou les tunnels, où l’évacuation peut être rendue complexe par la configuration des lieux, le confinement des fumées ou les risques de propagation rapide. Dans ces cas, des scénarios feu spécifiques sont nécessaires pour garantir un niveau de sécurité adapté à l’environnement concerné
La conception de banc d'essai
La deuxième étape consiste à concevoir le banc d’essai à partir des données issues de la description du scénario feu. Cette étape repose sur l’expertise du laboratoire, notamment dans l’élaboration de plans techniques, et l’utilisation d’outils numériques de conception assistée par ordinateur (CAO) pour modéliser le banc et ses composants.
La réalisation de banc d'essai
Vient ensuite la troisième étape, qui est celle de la réalisation du banc. Elle comprend la fabrication ou l’assemblage des éléments conçus (réalisé en interne par le pole AIMER de centrale Lille institut), l’acquisition des équipements nécessaires (sources de chaleur, enceintes, supports, etc.), ainsi que l’intégration des outils spécifiques d’instrumentation. Ces derniers sont essentiels pour permettre l’acquisition de données expérimentales fiables lors des essais (température, flux thermique, déplacements, perte de masse, etc.), et pour analyser précisément le comportement du système en conditions d’exposition au feu.
La validation
la dernière étape est celle de la validation. Elle dépend du type de scénario défini lors de la première étape :
- Dans le cas de la reproduction d’un essai existant, la validation vise à vérifier la similitude directe ou indirecte entre le banc d’essai et l’essai de référence. Cette similitude peut porter sur les courbes temps-température, les flux de chaleur, ou d’autres grandeurs caractéristiques du scénario.
- Dans le cas d’un scénario original, la validation consiste à caractériser et stabiliser le scénario, en définissant les paramètres clés comme les courbes de température ou les profils de flux thermiques, pour s’assurer de sa reproductibilité et de sa représentativité.
Cette étape inclut également la mise en place d’un protocole d’essai rigoureux, garantissant la reproductibilité des résultats, la comparabilité des campagnes d’essais, et permettant, à terme, de consolider les analyses expérimentales menées sur le système étudié.